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Matricule 107361

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Du Berry, du foot, du Limousin, des coups de cœur ou de gueule...


Une prise de recul nécessaire pour pouvoir avancer

Publié par Matricule 107361 sur 19 Avril 2015, 00:30am

Le 7 janvier et les jours qui ont suivi, sous le coup de l'émotion de la vague d'attentats débutée dans les locaux de Charlie hebdo, nous étions (presque) tous Charlie. Quelles répercussions ces événements peuvent-ils et même doivent-ils induire sur notre façon d'envisager l'exercice de la profession de journaliste ? Telle était la question centrale de l'édition spéciale des Assises internationales du journalisme et de l'information intitulée "Les leçons de Charlie" organisée à Paris, au Conseil économique social et environnemental (Cese), par l'association Journalisme et citoyenneté.
Au moment de s'y rendre, difficile de ne pas penser au rendez-vous du même type organisé quelques semaines auparavant au Danemark et frappé par un attentat. Une crainte atténuée par le dispositif de sécurité déployé à l'entrée dudit Cese.

Une prise de recul nécessaire pour pouvoir avancer

Ces assises débutent par quatre ateliers professionnels simultanés réunissant des professionnels des médias et autres acteurs de la société. L'un de ces ateliers propose de débattre sur le thème "Liberté d'expression, devoir d'informer et responsabilité". Fabienne Siredey-Garnier, vice-présidente du tribunal de grande instance de Paris, y est la première à prendre la parole, confiant qu'on lui demande souvent pourquoi Charlie hebdo est peu condamné, au contraire de Dieudonné et que parfois elle se demande "si on a pas créé un monstre", "fabriqué des martyrs", se sentant "instrumentalisée" en voyant Dieudonné lors d'audiences se retourner vers ses fans pour se faire applaudir. Elle s'inquiète en outre que le délai de prescription en matière d'expression, déjà de trois ans, puisse être étendu à huit. Puis le philosophe Patrice Maniglier opère une distinction entre liberté d'expression et liberté de pensée. Pour lui, les mêmes propos se révèlent plus condamnables si le lieu où ils ont été prononcés ou la personne qui en est l'auteur leur donne plus de portée. Selon lui, le silence des Dieudonné et Zemmour doit s'obtenir de manière culturelle et non juridictionnelle. Ensuite, Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontière, estime que les autorités politiques et religieuses doivent pouvoir être critiquées et que les exceptions à la liberté d'expression doivent être réduites aux atteintes à la personne et à l'apologie du terrorisme. Il évoque également le risque qu'il y aurait à juger une personne sur son expression dans un délai trop court. Yves Agnès, président de l'Association de préfiguration d'un conseil de presse, indique que face à "la défiance du public vis-à-vis des médias", à "un politiquement correct de plus en plus pesant" et un "réflexe d'autocensure" la création d'un conseil de la presse, instance ouverte à l'ensemble de la société, garantirait "une déontologie de l'information" et la "défense liberté expression". La loi et le règlement ne constituent pas pour lui la solution. Si François D'Orcival, président de Presse et pluralisme, partage le constat de son prédécesseur, ils divergent sur la solution, le conseil de presse risquant pour lui de devenir pour la presse l'équivalent du Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui selon lui a montré ses limites. Il lui semble important de s'appuyer sur le capital de sympathie engrangé suite aux événements de "Charlie". Vincent Lanier, premier secrétaire général du Syndicat national des journalistes, défend lui la création d'une charte unique à toute la profession. Pour conclure la matinée, Suad El Tayeb, directrice de Monte Carlo Doualiya et Huê Trinh Nguyên, rédactrice en chef de Salamnews, évoquent la difficulté de traiter des attentats de Charlie hebdo dans des médias destinés à un public musulman, majoritairement pas Charlie, auquel ils se sont fait un devoir d'offrir un décryptage tout en essayant de ne pas être perçus comme la voix de la France.
Vient ensuite le moment de dresser le bilan des ateliers. Divina Frau-Meigs, directrice scientifique du Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information, rapporteure de l'atelier "Education à l'information, éducation des médias", indique qu'il a été question de la nécessité pour les médias de se rendre régulièrement à l'école, de sensibiliser à la fois les enseignants et les parents à l'éducation aux médias et de revoir la formation des journalistes. Puis Nordine Nabili, directeur du Bondy blog, rapporteur de l'atelier "Territoires oubliés de la République, territoires maltraités par l'information", confie que sont ressortis le fossé entre médias traditionnels et médias de quartier, mais également entre médias et élus ainsi qu'entre médias et société civile, de même que le manque de représentation de la diversité dans les médias. Enfin, Dominique Quinio, ancienne directrice de la rédaction de La Croix, rapporteure de l'atelier "Les leçons éditoriales de janvier", conclut au fait que les médias ont su éviter les écueils de l'information continue, notamment en mettant en place un processus de validation, quitte à ne pas être compris de leurs équipes. Il semble néanmoins se poser la question du manque de représentation de certaines catégories dans les médias.

Une prise de recul nécessaire pour pouvoir avancer

La journée s'achève ensuite par un débat intitulé "Etre ou ne pas être Charlie" animé par Jean-Marc Four (photo ci-dessus), directeur de la rédaction de France Inter. Rony Brauman (photo ci-dessous), un des fondateurs de Médecins sans frontière, explique être Charlie car il "préfère être du côté de ceux qui sont visés plutôt que de ceux qui agressent" tout en n'étant pas Charlie car il estime que l'hebdomadaire s'est éloigné de son esprit d'origine et qu'en janvier "je suis Charlie n'était pas une option mais une obligation morale". Une "schizophrénie" que partage Huê Trinh Nguyên, rédactrice en chef de Salamnews, pour qui "être Charlie c'est aussi pouvoir ne pas être d'accord avec Charlie". Autre responsable d'un média qui touche un public musulman, Cécile Mégie, directrice de Radio France internationale, confie "être Charlie au nom de la liberté d'expression et de la responsabilité que cela implique" évoquant les termes de transparence, clairvoyance et responsabilité ainsi que la nécessité de "contextualiser les réactions dans le monde".

Une prise de recul nécessaire pour pouvoir avancer

Pour Gérard Biard (photo ci-dessous), rédacteur en chef de Charlie hebdo, arrivé dans l'hémicycle suivi par deux policiers en civil, "la question n'est pas être ou pas Charlie mais pourquoi je suis ou pas Charlie, qu'est ce que ça veut dire ? Peut-être défendre des valeurs qui ont été attaquées tout simplement, être plutôt démocrate". Le "survivant" confie que "le jour de la manif' (j')étais heureux de ne pas avoir à serrer la main de certains dirigeants étrangers". Il constate en outre qu'entre être Charlie ou pas, "le tri s'est fait très vite". Concernant les violentes manifestations anti-Charlie dans certains pays, "une caricature de Charlie hebdo s'adresse à un public français avec des références", analyse Gérard Biard, "le but d'une caricature c'est de choquer", "la démocratie s'est aussi apprendre à être choqué". Les débats se poursuivent alors comme ce fut le cas tout au long de la journée, avec une courtoisie qui n'empêche pas une saine contradiction.

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